Tout ce que dit Manon est vrai, de Manon Fargetton

Le Club de lectures féministes de Carnet Parisien reprend du service, et rien n’aurait pu me faire plus plaisir ! Le mois de janvier proposait la lecture du roman Tout ce que dit Manon est vrai, de Manon Fargetton, autrice dont je ne connaissais que les romans fantasy. Direction la librairie pour l’achat du livre, et sa lecture dans la foulée !

L’histoire

Au centre, Manon.
Autour, une ronde de personnages, qui projettent sur elle leurs peurs, leurs insécurités et leurs fantasmes.
Ils croient la connaître mieux que personne. Ce sont ses parents, ses frères, son amie au lycée, l’homme qu’elle aime. Et ce sont eux qui vont raconter cette année où tout bascule parce que Manon, seize ans, entame une relation avec un éditeur de bande-dessinée de trente ans son aîné. Elle a du talent. Il va la publier. Ils s’aiment. La femme de l’éditeur aussi l’aime. Les lignes se brouillent, tout se mélange : l’histoire qu’ils vivent et l’écriture de la bande-dessinée, l’admiration, l’amour. Et le passé ressurgit soudain dans le présent.
Rapidement, la mère de Manon refuse ce prétendu amour, cherche à protéger sa fille par tous les moyens, s’expose à la colère adolescente de celle-ci. Deux visions du monde s’affrontent. Deux visions de l’amour. Deux visions de ce que signifie être adulte. Et entre elles, d’autres voix, qui chacune renferme un morceau de la vérité.
Et au centre, Manon.

Mon avis

Ce roman a été une vraie claque ! J’y suis allée à l’aveugle, et j’ai été totalement absorbée par cette histoire, glauque et addictive à la fois, qui m’a profondément remuée. Ce roman est à lire absolument !

Si vous avez peur de lire un roman qui parle de pédophilie et de viol, passez votre chemin, ce roman n’est pas pour vous. Certaines scènes du livre sont totalement insoutenables, notamment dans la première partie ou la pédophilie est très appuyée, rendant le récit très glauque et difficile à lire. Cependant, le livre est immédiatement addictif, et se dévore. Manon Fargetton a raconté son histoire à travers un roman chorale, une multitude de points de vue qui rend le roman fascinant à lire. Celui-ci est ponctué de SMS, mails et extraits de rapports médicaux ou de police, qui font que les pages tournent sans qu’on le réalise.

En le lisant, j’ai souvent pensé au livre Le Consentement de Vanessa Springora, bien que les deux livres soient différents par bien des aspects. Toute l’originalité de ce roman-ci réside dans le fait qu’à aucun moment, on n’entend la voix de la Manon de 16 ans qui nous est décrite par son entourage. La parole est uniquement donnée à son entourage, pas à Manon. Ses seuls mots proviennent de la Manon plus âgée qui s’adresse à la Manon plus jeune, et de SMS et emails qu’elle envoie. Le lecteur n’est jamais plongé dans les pensées ou émotions de Manon, ce qui rend la lecture très particulière car déstabilisante. Cela rend le titre du roman d’autant plus puissant que son histoire est racontée par d’autres, sur des thèmes dont la parole des victimes est encore trop souvent remise en cause.

Il est clair que ce roman est largement inspiré de la vie de l’autrice Manon Fargetton, ce qui est encore plus déstabilisant pour le lecteur. Le fait de faire s’exprimer uniquement l’entourage de l’héroïne pour la mettre au centre du livre est d’autant plus intrigant. De mon point de vue, l’écriture de ce roman a dû exiger énormément d’abnégation, d’acceptation et de résilience de la part de l’autrice, que j’admire d’autant plus. Je n’ose pas aller lire des interviews d’elle à propos de ce livre, car j’ai peur d’exacerber un voyeurisme malvenu dans ce genre d’histoire, mais j’espère que ce roman a pu la réconcilier avec elle-même et son histoire.

Je vous conseille plus que vivement, si vous vous sentez capable de lire ce genre de livre, de vous jeter sur Tout ce que dit Manon est vrai. Ce livre est fort, brut, original, brillant, émouvant, révoltant, intrigant et bouleversant. Je ne suis pas près d’oublier Manon !

Laisser un commentaire